Pantónio et ses créatures fulgurantes investissent le boulevard
Après avoir réalisé Place de Vénétie le plus grand mur de street art d’Europe culminant à 66 mètres de haut, l’artiste portugais Pantónio s’est installé au 89 boulevard Vincent Auriol. Sa nouvelle création, intitulée Fragile Agile, met en scène des oiseaux à la grâce éclatante et à l’évidente délicatesse.
Pour sa seconde fresque dans le 13ème arrondissement de Paris, le natif des Açores a dû composer avec une difficulté singulière : la paroi est atypique. En effet, de par sa structure pyramidale en plusieurs étages, le bâtiment s’articule principalement autour de deux bandes horizontales. Mais le muraliste y voit davantage l’expression d’une solution que d’un problème :
Ce serait encore plus difficile si j’avais un mur carré et blanc à peindre. Sans relief ni irrégularité, je ne peux pas jouer avec l’espace. Ici, l’originalité de la surface m’offre la solution.
Malgré l’éclatement en plusieurs morceaux du support à peindre, l’artiste açoréen parle de fluidité au sujet de sa dernière œuvre. Son premier mur parisien, à proximité de la Porte de Choisy, était situé plus en retrait, à l’écart des mouvements de la ville. La composition était organisée autour de la notion de verticalité, mise en avant par la circulation des poissons sur toute la hauteur de de l’immeuble. A l’inverse, cette deuxième réalisation exacerbe l’idée d’horizontalité. En effet, cette fresque est le fruit du passage régulier des riverains le long du boulevard Vincent Auriol. C’est aussi un écho au véhicules qui y circulent et aux rames de métro qui le surplombent. Tel un reflet, les animaux de Pantónio épousent ainsi le même mouvement que les voyageurs de la ligne 6. Cependant, son inspiration ne se réduit pas seulement à l’environnement urbain dans lequel il plonge sa peinture.
Si j’ai eu à jouer avec les travaux adjacents d’Inti et de Conor Harrington, je me suis aussi inspiré de la crèche et des enfants se mouvant derrière mes murs. Je n’avais pas de message prédéfini à faire passer, mais en voyant leurs dessins, j’ai réalisé qu’il n’était question ici que d’amour du dessin. Rien d’autre.
Pantónio, de son vrai nom Antonio Correia, a choisi de faire apparaître un mouvement exclusivement constitué de poissons et d’oiseaux. Ces espèces font partie intégrante de l’univers de l’artiste: ici, elles représentent la légèreté et la limpidité du mouvement. Pour les illustrer, l’artiste de 43 ans a une nouvelle fois choisi la couleur noire comme base brute de leurs silhouettes lumineuses. En quelques traits agiles, Pantónio parvient à donner de la couleur à ses créatures.
D’abord, je peins leurs contours en noir, comme des ombres. Puis je travaille leurs différentes formes en utilisant davantage la lumière à travers du bleu, du violet et du rose. Mon île natale m’inspire énormément: les roches brunes volcaniques et les puissants rayons du soleil qui l’habillent m’amènent à prendre ce chemin.
Après deux expositions à la Galerie Itinerrance en 2014 et 2017 où il a pu dévoiler ses lignes fluides et poétiques sur toile, Pantónio apprécie la différence des supports sur lesquels il travaille. S’il estime la toile comme étant une surface demandant un exercice cérébral et perfectionniste, son avis sur la peinture de rue se démarque.
Dans le street-art, j’utilise tout mon corps. Le support est plus grand que moi et par conséquent je dois m’impliquer physiquement dans mon œuvre. C’est une forme de gymnastique: je ne fais qu’un avec le mur.
A travers les mouvements de ses animaux aux courbes souples et élancées, Pantónio a donné à voir son regard sur cette portion du boulevard Vincent Auriol. Entre jeunesse et mouvements, l’artiste a apporté ses compositions denses et mouvantes qui font appel avec évidence au monde onirique de l’enfance.